La vaccination et l’immunité collective de la population représentent la lumière au bout du tunnel pour sortir de cette crise sanitaire, économique et sociale. Dès l’annonce de l’efficacité de plusieurs vaccins par les laboratoires je me suis exprimé sur le sujet et c’est la raison pour laquelle j’ai souhaité être corapporteur de la mission sur la stratégie vaccinale initiée par l’Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) présidée par Cédric Villani. Au regard de la létalité du virus, nous avons fait de nombreuses recommandations dès le 15 décembre.
La verticalité du pouvoir produit à chaque étape importante de la gestion de la crise sanitaire les mêmes effets. C’est une lecture de la V république qui ne tient pas compte de la décentralisation.
Depuis le début de cette crise sanitaire, le gouvernement se prive d'énergies qui pourraient être constructives. La verticalité managériale, la volonté de disruption imposée par le Président de la république depuis le début du quinquennat limitent de fait la bonne concertation avec les corps intermédiaires et l’élaboration collective de solutions dans le respect de la démocratie représentative. Ce fût le cas avec les masques, et lors des épisodes de confinement et déconfinement dont la gestion médiatique fut chaotique. Cela s’observe également aujourd’hui sur la question de la vaccination.
La réussite de la stratégie ne concerne pas que la définition initiale, le ciblage des personnes prioritaires et le phasage dans le temps. Il faut que sa mise en œuvre soit ambitieuse et efficace. Cela passe donc aussi par une information transparente, une communication positive et surtout l’organisation d’une chaîne logistique performante. En l’occurrence, il fallait réussir non seulement un acheminement des vaccins dans des temps courts pour les centres hospitaliers mais aussi atteindre très rapidement la cible des EHPAD. Les naturels relais locaux (élus, associations...) n’ont pas été mobilisés assez tôt pour élaborer de concert l’organisation optimale. La multiplicité des institutions, conseils et comités stratégiques et des niveaux de décision n’a pas aidé la mise en œuvre rapide car chaque niveau attend des instructions claires venant du gouvernement, alors que les élus locaux s’impatientent de pouvoir mettre en œuvre des solutions concrètes réclamées par les citoyens.
Pourquoi ne pas avoir intégrés les élus dans le chaînon décisionnel dès la présentation de la stratégie vaccinale le 16 décembre dernier ? Les relais locaux, qui sont autant de capteurs pour anticiper les problèmes se posant sur le terrain, ont été invités et réunis trop tardivement.
Le chef de l’Etat a pris l’habitude de vouloir décider en petit comité. Les cafouillages, les flottements et les retards dans la gestion de la crise sanitaire ne relèvent pas tant de dysfonctionnements administratifs que de concentration des décisions politiques : tout ce qui compte est décidé en conseil de défense dont on ne connait pas précisément la composition. Il est donc pour le moins paradoxal de voir Emmanuel Macron exprimer médiatiquement sa colère et reprocher le démarrage trop poussif de la campagne de vaccination ou la faiblesse vaccinale le week-end. Prendre des décisions en comité restreint condamne à assumer l’ensemble des mesures, plutôt que reporter les erreurs sur l’administration.
Penser à « l’après », panser nos souffrances sociales. La question de notre organisation hyper centralisée doit être posée.
Il est nécessaire de revoir rapidement les priorités de notre société. L’ultra-libéralisme, la disruption érigée en principes de gouvernance ont fait long feu.
Le réchauffement climatique, les risques accrus de pandémies liées aux activités mondialisées de nos économies modernes imposent une révision du système de santé publique dans ses volets curatifs comme préventifs. Sans l’engagement social et écologique, les mêmes causes produiront les mêmes effets. La construction d’une société plus résiliente, mieux organisée et aux capacités d’anticipations multipliées doit d’ores et déjà se poser.
De cette crise sanitaire, économique et sociale doivent émerger plusieurs prises de conscience : le besoin de solidarité et de protection, la nécessité d'une rémunération et d'un soutien justes et équitables des activités sociales (notamment pour le travail de soins).
Notre Etat doit rester un état protecteur, un état puissant mais capable d’adapter les prises de décisions aux réalités locales et de partager l’information en toute transparence. La démocratie c’est tous les jours et cela nécessite une concertation permanente, avec le Parlement, les collectivités locales, les corps intermédiaires et les citoyens. Vouloir imposer des décisions centralisées à des territoires qui n’ont pas forcément les mêmes caractéristiques conduit à une rigidité bien souvent synonyme de lourdeur, d’attentisme et de lenteur. Il faut sortir du tropisme qui consiste à attendre que la décision prise à Paris ruisselle par miracle.
Rédigé par Gérard Leseul
- twitter @LeseulG
Gérard Leseul est député de la cinquième circonscription de la Seine-Maritime, membre de la commission du Développement durable et de l’Aménagement du territoire et membre de l’Office Parlementaire d’Évaluation des Choix Scientifiques et Technologiques.
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