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Extraterritorialité des Lois Américaines : l’Impératif d’une Politique Commerciale Européenne Forte

Extraterritorialité des lois américaines : l’impératif d’une politique commerciale européenne forte et ferme au service de notre autonomie stratégique


Ne soyons pas dupes !

L’arrivée de Joe Biden à la Maison blanche est une excellente nouvelle et ses dernières déclarations, que ce soit sur le climat, le social ou encore le commerce international, en témoignent. Des nombreuses opportunités s’offrent à nous Européens, notamment en termes de réforme et de défense du système commercial multilatéral. Saisissons-les et avançons sur notre agenda commun.

Cependant, ne soyons pas dupes. Les États-Unis restent les États-Unis. Prenons un exemple extrêmement clair : les lois extraterritoriales américaines. L’effet extraterritorial des sanctions américaines datent des années 1990, bien avant l’administration Trump ; et la nouvelle administration démocrate à la Maison blanche risque de ne rien y changer.

Les États-Unis tirent profit de leur législation pour en dévier le but principal et imposer à tous, Européens compris, leur objectif. Cela fait plus de 20 ans que cela dure et le constat est limpide, pour ne pas dire édifiant : les sanctions américaines à l’égard de l’Iran ou encore Cuba ont des effets extraterritoriaux illicites sur nos entreprises européennes qui elles respectent le droit international. Plusieurs dizaines de milliards de dollars d’amendes ont été réclamées à des entreprises françaises comme PSA ou Airbus, au motif que leurs pratiques commerciales, leurs clients ou certains de leurs paiements ne respectaient pas le droit américain, alors même qu’aucune de ces pratiques était illégale et n’avait de lien direct avec le territoire des États-Unis.

Nos entreprises ne sont pas les seules affectées par ces pratiques. Les citoyens européens dit « Américains accidentels » sont eux aussi victimes collatérales. Ces derniers disposent de plusieurs nationalités dont américaine. À ce titre, de manière tout à fait injuste, ils se doivent de payer un impôt aux États-Unis sous peine de perdre leur nationalité, voire même de se voir interdire l’accès au sol américain. De nombreux citoyens euro-américains se battent sur le principe de la taxation basée sur la nationalité, spécifiquement l’application de la législation Foreign Account Tax Compliance Act (FATCA).

Soyons ambitieux !

Que ce soit pour défendre ses entreprises ou ses citoyens, l’Union européenne n’est pas la hauteur. Elle ne dispose pas de suffisamment de leviers efficaces pour lutter contre l’illégalité de ces dispositions américaines.

Il est vrai que l’Union européenne dispose de son règlement de blocage des années 1990 ou encore du dispositif INSTEX pour soutenir les entreprises européennes qui font face à de telles situations. Le constat, là aussi, est sans appel : ces mesures sont dépourvues d’efficacité. Nos entreprises font toujours face à des difficultés inacceptables et ont souvent choisi de quitter les marchés ciblés par les mesures américaines.

Il est temps maintenant de passer du constat aux actes. Il n’est plus acceptable que nos entreprises ou nos citoyens qui sont en conformité avec le droit international pâtissent de décision unilatérale de pays tiers. Construire notre autonomie stratégique, assurer notre crédibilité et défendre notre souveraineté : voilà ce qui doit guider notre action européenne.

La situation telle qu’elle est aujourd’hui démontre que nous avons encore un trou dans la raquette, qu’il convient de combler.

L’extraterritorialité est synonyme de coercition pour nos intérêts européens. Il ne suffira donc pas seulement de réformer le Statut de blocage mais surtout de traiter la question de l’extraterritorialité avec l’instrument anti-coercition que la Commission européenne doit présenter d’ici la fin de l’année.

Ce nouvel instrument visant à contrer et à dissuader les mesures coercitives des États tiers, dont j’ai initié la création, doit être la solution.

J’ai remporté une première bataille mais il faut maintenant gagner la guerre pour que notre politique commerciale soit forte et à la hauteur de enjeux.

En effet, la révision du règlement dit « Enforcement » que j’ai mené a permis de muscler notre politique commerciale. Nous avons assuré cohérence, crédibilité, efficacité et ambition. Certes, maintenant l’Union est en mesure d’adopter des contre-mesures pour répondre aux blocages de l’organe d’appel de l’Organisation Mondiale du Commerce et dans le cadre de nos accords bilatéraux.

Nous demeurons, en revanche, toujours dépourvus de tout moyen d’action face à des mesures unilatérales et manifestement illégales au regard du droit international hors du champ d'application de l'OMC.

En tant que rapporteure sur le règlement sur la mise en œuvre et l’application des règles commerciales, j’avais défendu la mise en place de mesures provisoires pour répondre aux mesures unilatérales de pays tiers. La Commission a su entendre cette demande forte portée par le Parlement en s’engageant pour la présentation d’un tel instrument d’ici la fin de l’année. C’est une excellente nouvelle mais soyons à la hauteur des enjeux.

Construisons notre autonomie stratégique !

Une erreur serait de retarder l'adoption d'un tel instrument en raison du changement d'administration américaine. Nous l’avons dit, rien ne devrait changer sur le terrain de l’extraterritorialité outre-Atlantique. En outre, d'autres partenaires commerciaux suivent la même voie en termes de mesures unilatérales. Un exemple clair : la Chine, qui muscle également sa politique commerciale en se dotant des outils nécessaires pour prendre des mesures unilatérales voire même des dispositions à portée extraterritoriale. Dans le contexte de la crise du COVID, la Chine n'a pas hésité à prendre des mesures coercitives illégales à l'encontre de l'Australie qui dénonçait la politique chinoise, violant ainsi toute règle de leur accord commercial bilatéral.

Il ne s’agit pas de lancer des guerres commerciales mais au contraire de défendre un commerce basé sur des règles, des règles que tous doivent respecter. Il est temps de faire comprendre à nos partenaires que nous allons enfin jouer à armes égales. C’est un véritable enjeu de crédibilité et de souveraineté pour l’Union européenne.

La révision du règlement d'application n'était donc qu'une première étape. Cet instrument anti-coercition sera la continuité de notre travail afin de rendre notre politique commerciale plus ferme. Un parfait écho avec la récente révision de la politique commerciale !

Ainsi cette année 2020, en janvier, la Commission européenne a publié une communication pour renforcer la résilience européenne, en février, sa révision de la stratégie commerciale où elle parle enfin de fermeté. Les planètes semblent donc s’aligner mais il est maintenant temps de donner tout son sens à la notion d’autonomie stratégique européenne.


Rédigé par Marie-Pierre Vedrenne.


Marie-Pierre Vedrenne est députée européenne.




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